Bert Stern & Marylin Monroe : l’histoire devait être écrite
Texte Laure MAUD
Sélection des visuels Laure MAUD
En 1962, je suis assez sûr de moi et de mon métier de photographe pour me mesurer à Marilyn. Je possède mon art de regarder autant qu’elle possède l’art d’être regardée.
Je m’étais toujours sentie hermétique au mythe entourant Norma Jeane Baker, bien que très touchée par son destin tragique. C’est à l’âge de 34 ans que je me suis un jour retrouvée nez à nez avec ce portrait photographique, tiré en très grand format, issu de sa dernière séance réalisée par Bert Stern. J’ai été fortement impressionnée par le caractère envoûtant de cette image alors que je ne savais pas à l’époque qu’il s’agissait de l’une des dernières photographies de Marilyn Monroe, alors âgée elle-même de 36 ans.
Lors de cette séance, Marilyn, amaigrie, se remettait d’une ablation de la vésicule biliaire qui laissa une épaisse cicatrice sur son abdomen. En voyant cette beauté « cassée », j’ai pensé à la chanson du Brestois Miossec intitulée ironiquement La vieille – issue de son tout premier album – et à ces paroles qui m’ont toujours profondément remuée :
Si tu connais le désir qui va vite
Et qui dure longtemps
Je voudrais que tu m’y précipites
Du haut de tes quarante ans
L’histoire devait être écrite
Pour que tu sois si belle maintenant
Une vraie beauté détruite
Y’a rien de plus émouvant
Je ne considère bien sûr pas que la beauté de Marilyn était « détruite », ni par le fait qu’elle avait 36 ans – ce qui est toujours considéré aujourd’hui comme un âge avancée pour une actrice -, ni par la présence de cette cicatrice que l’on voit très bien sur les autres photographies présentées ci-dessous. Bien au contraire, j’ai trouvé à Marilyn sur cette photographie une beauté extrêmement troublante alors que les photographies de sa jeunesse sur lesquelles elle apparaissait, d’abord en maillot de bain puis couverte de diamants et de fourrures, me laissaient totalement indifférente. Pour moi, Marylin était le sex-symbol de la génération de mon père qui me parlait de ses robes cousues directement sur son corps afin d’épouser parfaitement ses formes voluptueuses. Mes premiers petits copains lui préféraient les sex-symbols des années 80-90 : les premiers top models qui faisaient alors les couvertures de tous les magazines.
Bert Stern, photographe de mode new-yorkais, rêvait de photographier Marylin « à l’état pur », comme il le révèlera dans son livre The Last Sitting, publié en 1982. Il réalisa dans la suite du Bel Air Hotel, à Los Angeles, une séance photo organisée sur trois jours pour l’édition américaine de Vogue. Marylin ne verra jamais la publication puisqu’elle décèdera brutalement six semaines après cette séance. Elle aura cependant le temps de marquer au feutre orange les planches contact de Bert Stern, désirant éliminer les photographies qu’elle considéra ne pas correspondre au style cultivé par Vogue USA. Sur ces photographies qui sont les plus connues de cette séance, il n’y a plus ni diamants, ni manteaux de fourrure, mais des foulards translucides et une robe noire de couturier au style sobre et intemporel servant d’écrin à la beauté devenue resplendissante de Marylin Monroe.